Nantes: impressions d’après

Comme vous y êtes habituéEs, voici un compte rendu « personnel qui n’engage que moi » après le retour sans encombre des 21 BéarnaisEs partiEs (un record! Le bus affrété par nos amis de Comminges et Tarbes n’a pas suffi, et il nous a fallu louer un véhicule supplémentaire. Nous avons reçu aussi 220€ de dons de soutien de personnes qui ne pouvaient venir, merci à elles!).

Tous les commentaires sont bienvenus!

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Arrivés très tôt le matin à Nantes, nous nous dirigeons tranquillement vers le lieu de départ de la manif, remarquant à mesure qu’on approche une présence policière de plus en plus évidente, avec des barrières anti émeutes (mais pas partout, bizarre non?) censées circonscrire le « centre interdit » (annonce faite la veille, sympa pour l’organisation du service d’ordre), et le véhicule blindé avec son canon à eau bien en évidence aussi. Arrivés avec 1 heure d’avance on est quasiment seuls! Petit moment de panique, « et si ça ratait? », mais très vite la foule afflue, comme toujours très variée, entre « anciens hippies qui ont fait Plogoff », familles avec jeunes enfants, élus locaux avec leurs écharpes tricolores, clowns du service d’ordre (qui prendront un malin plaisir à tenter de dérider les policiers derrière leurs barrières, y arrivant parfois!), DSC_4373paysans, jeunes, vieux voire très vieux, bref, de tout mais du monde, et puis l’arrivée en fanfare de l’immense triton porté par un tracteur (les tracteurs, bloqués alors qu’il était initialement prévu qu’ils accompagnent la manif, furent plus de 500, au grand plaisir des organisateurs qui en attendaient 2 fois moins). Nous on prend notre temps, la manif est partie depuis longtemps (13h officiellement) mais à 14h30 on est toujours sur place, serrés comme des sardines au milieu des mimosas en fleur portés par un obscur mais rigolard « commando bosquet ». DSC_4505Quand on décolle, en queue de cortège, autour d’une batuk, l’ambiance est toujours excellente, et on se sent assez excités (avouons le!) par les 1ers signes de « débordements »: tags ciblés, le plus souvent avec de beaux textes ou dessins), 1ers CRS repeints, quelques vitrines repeintes aussi, mais la plupart du temps quand il s’agissait de banques (oui, c’est plaisant de voir une vilaine pub pour un « crédit à 2,5 % »  dans la vitrine d’une banque barré d’un « anticapitaliste »), ou de symboles de « Nantes métropole », rebaptisé en « Nantes nécropole ») et bien sur, la vitrine de l’agence de Vinci, elle pour le coup totalement dévastée, l’intérieur totalement détruit. À ce sujet comment ne pas s’étonner que ce symbole absolu de la lutte contre l’aéroport n’ait pas été mieux protégé, voire caché par des tôles, alors que des hordes de CRS empêchaient à quelques dizaines de mètre l’accés au « centre interdit »? Plus loin, on arrive sur une grosse zone de travaux, avec des futures constructions d’appartements hideux prétextes à l' »ouverture bientôt ici de 15 magasins », une zone d’où toute humanité semble déjà bannie au seul profit du commerce mondialisé (Zara? Sephora? SFR?). DSC_4503 Là encore les tags « réapproprions nous nos vies » redonnent le sourire et l’envie de croire que c’est possible… Sentiments partagés par contre quand on croise une immense foreuse en feu (appartenant à Vinci, et là encore, outre le fait qu’on s’aperçoit s’il en était besoin qu’ils sont partout, comment se fait il que ces engins n’aient pas été déplacés plus loin, alors qu’à Quimper, lors des manifs des « bonnets rouges », la municipalité avait les jours précédents démonté tout ce qui risquait d’être détruit!).DSC_4518 Le nuage noir (pneus…) qui s’élève me fait penser que voilà encore un bel argument qu’on pourra retourner à « ces écolos qui font brûler des pneus ». Mais très vite on est pris, de loin, dans les 1ers affrontements, avec des images impressionnantes des canons à eau du véhicule policier vu le matin , des gars (et plein de filles aussi!) cagoulés ou non qui balancent des pavés ou des carottes, le bruit des grenades assourdissantes, la suffocation des lacrymo, mais ça, vous l’avez déjà vu dans les médias, puisqu’à les en croire, c’est presque tout ce qu’il y aurait à retenir de cette journée…

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À ce propos je vois en gros 3 catégories de participants à cette manif:
-l’immense majorité de manifestants habituels opposants au projet, paysans, familles, jeunes, vieux, écolos ou pas, mais tous non violents, estimés à la grosse louche à 99 % du public.

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Note: l’incroyable Hulk n’existe pas, et l’écartement de ces « barreaux » n’était que symbolique…

Les zadistes, ceux qui depuis le début occupent le terrain à NDdL, ont construit les cabanes, ont mis en place ces lieux auto gérés qu’on a pu voir quand on y est allé, en août dernier en particulier, et où certains des béarnais ont séjourné, plus ou moins longtemps. Eux étaient dans la même logique que sur la ZAD: résister.
Depuis les 1ères occupations ils sont confrontés aux expulsions, à la violence policière et gendarmesque, et ils ont mis au point un dispositif défensif impressionnant (chicanes, barricades, fossés…) afin d’empécher le début des travaux, les carrotages etc… Ils ont usé de la « violence » aussi, quand les mêmes affrontements qu’à Nantes se sont produits sur la ZAD, mais avec beaucoup moins de témoins bien sur. La violence était alors des 2 cotés, on l’a bien vu sur les nombreuses vidéos qui circulent sur le net. À Nantes, leurs actions, celles qu’on a vu en tout cas, étaient très ciblées « politiquement », les tags la plupart du temps intelligents, argumentés, humoristiques, et les destructions ont alors concerné soit les symboles de l’état (ce qu’on peut bien sur contester!), soit des vitrines typées « Nantes métropole », soit des symboles de la société ultra-capitaliste comme les banques, la boutique de Vinci bien sur, j’oserais dire « naturellement », le nouveau quartier commercial en construction, etc… Qu’ils aient ensuite balancé des pavés sur les GM et CRS et incendié quelques engins de chantier était alors la suite logique de leur résistance quotidienne sur la ZAD. N’oublions pas non plus que c’est en grande partie grâce à ces « bras armés » de l’opposition au projet que celui ci n’a toujours pas démarré et que le gouvernement est si embourbé dans cette affaire, que même Vinci (voir le dernier Politis, avec un excellent dossier sur le groupe) abandonnerait volontiers tellement ça lui donne une mauvaise image.

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-Et ensuite, les quelques personnes venues semble-t-il de plusieurs pays d’Europe (black blocks et autres) pour mener une guérilla urbaine qui a débouché sur ce qu’on sait (dégradations aveugles, habitants traumatisés à juste titre, abribus explosés, etc…) et rien d’autre. Peu importe que ces gens soient d' »extrême gauche » , d’extrême droite (car eux aussi étaient là, ainsi bien sur que les « faux casseurs » que certains ont vu dés le matin se faire brieffer par la police…) ou d’extrème-rien, ils étaient venus pour tout péter, du flic, de l’ordre, de l’état, du privé, du public, peu importait.

Alors bien sur, au plus fort des combats (qui n’ont pas été rappelons le si proches de la guerilla urbaine que ce qu’en ont dépeint les médias dominants, il suffit de voir le nombre de blessés, très faible, et de condamnations, dérisoires semble-t-il) il était impossible de distinguer les 2èmes des 3èmes, pourtant cette distinction me semble importante à souligner.

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Bref, notre petit groupe s’était alors séparé, puis retrouvé dans le café du matin, place de la petite Hollande (!). Les « tracteurs vigilants » sont garés là, en face de nous, en un nombre impressionnant et quand ils repartent, l’un après l’autre, leurs conducteurs sont  chaleureusement applaudis par la foule aux terrasses…

Dans l’ensemble je garderai un excellent souvenir de cette journée, tempéré comme je l’ai dit par les « débordements excessifs » (des pneus en flamme ne peuvent faire plaisir qu’à ceux qui y ont mis le feu, moi je trouve ça vraiment moche, inutile et contre productif, qu’elles qu’en soient les « justifications »), surtout ceux, rares me semble-t-il, qui nous ont semblé vraiment gratuits (qu’on a peu constaté de visu).

J’en garderai aussi la conviction encore plus évidente que la violence la plus grande, la plus forte, la plus à combattre, se trouve dans ces volontés folles de mégalopoles en compétition les unes avec les autres, dans  cette course effrénée au profit, au prestige de quelques uns au mépris de tous les autres, au saccage du peu qu’il nous reste de beau, de préservé, à la folie destructrice dans laquelle nous mène cette société d’ultra-consommation.

Aux « ici bientôt 15 boutiques » et aux « hubs internationaux » nous résisterons ensemble et toujours, quels que soient les moyens que nous devrons employer.

Juste au moment de publier ça, j’apprends aux infos que le président de la région, l’ineffable J. Auxiette, a écrit à notre petit Hollande pour lui demander l’expulsion définitive des habitantEs de la ZAD…

Texte et photos: FM

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